Nous venons à peine de recevoir la correction du cas pratique, mais bon vaut mieux tard que jamais!!!!
1er dommage est un dommage causé au produit.
2e dommage est un dommage causé par le produit
Questions 1 et 2 : dommage causé au produit
Compétence
Applicabilité du règlement : matière civile et commerciale, après le 1er mars 2002, le défendeur est domicilié sur le territoire de l’UE (Strasbourg, cf. art 60)
Le demandeur peut agir au domicile du défendeur (art 2) : tribunaux français.
Mais nous sommes en matière délictuelle (art 5-3) : action visant à engager la responsabilité du défendeur qui n’est pas contractuelle (CJCE Kalfelis 88).
Or selon CJCE Handte du 17 juin 1992, le contrat se définit comme un engagement librement assumé d’une partie envers une autre, et les chaînes de contrats n’appartiennent pas à la matière contractuelle. L’arrêt CJCE Réunion Européenne du 27 octobre 1998 précise que les chaînes de contrats appartiennent à la matière délictuelle. Le demandeur bénéficie donc de l’option ouverte par l’art 5-3.
Détermination du lieu du fait dommageable selon l’art 5-3 :
Le lieu du dommage est le lieu où le fabricant (Autotract) devait livrer les marchandises au premier acquéreur (RDI) en raisonnant par analogie avec l’arrêt Réunion Européenne qui fixe le lieu du dommage au lieu de livraison prévu dans le premier contrat (pour assurer une certaine prévisibilité au transporteur) : ici donc Sarrebruck.
Peut-on considérer qu’il y a délit complexe ? Fait générateur au lieu de fabrication donc en France ? Peut-être , dans ce cas CJCE Mines de Potasse 1976 : option, la dissociation étant opérée dès l’origine (CJCE Marinari 95)
Loi applicable
Le sous-acquéreur (M. Brandt) bénéficie-t-il d’une action directe contractuelle ?
Distinguer admissibilité et admission de l’action directe
Admissibilité
Selon M. J. Bauerreis, il faut consulter la loi applicable au premier contrat entre Autotract et RDI.
La CVIM est applicable à ce contrat (art 11a).
Selon M. Witz, interprétant l’arrêt Civ 1e 5 janvier 1999 Sté Thermo-King, l’art 4 interdit les actions directes. Si cette interprétation est la bonne, alors M. Brandt devra agir sur le plan délictuel. La loi appliquée sera la lex loci delicti (Civ Lautour 48), ce qui semble désigner la loi allemande ; mais on peut là aussi soutenir qu’il s’agit d’un délit complexe (FG en France, D en Allemagne) ; dans ce cas, la loi du dommage comme la loi du fait générateur ont une égale vocation à régir le litige (Civ 1eGordon 1997) ; il faut les départager en faisant jouer au principe de proximité un rôle départiteur (Civ 1e Mobil 1999). Loi allemande est peut-être celle qui entretient les liens les plus étroits (mais loin d’être indiscutable).
Mais selon M. V. Heuzé et M. Bauerreis, l’art 4 CVIM n’interdit pas les actions directes. Il ne fait que définir le domaine matériel de la CVIM ; celle-ci ne prend pas parti sur la question des chaînes de contrats, elle est lacunaire, et l’arrêt Civ 1e 5 janvier 1999 Sté Thermo-King peut, selon M. Heuzé, être interprété en ce sens. Dès lors, si la CVIM est lacunaire, il faut recourir à la règle de conflit (cf. art 7.2 CVIM) en matière de contrats de vente pour déterminer la loi applicable au 1er contrat, c'est-à-dire la CLH 55 (ainsi que l’ont fait Civ 1e 18 décembre 1990 et Civ 1e 10 octobre 1995).
La CLH 55 désigne la loi choisie par les parties ; en l’absence de choix comme en l’espèce, la loi du vendeur (sauf exception lorsque le vendeur a reçu la commande dans le pays de l‘acheteur mais rien n’indique qu’elle s’applique en l’espèce), en l’espèce la loi française, dans ses dispositions internes. Or la loi française admet les actions directes dans les chaînes de contrats translatifs de propriété (Civ 1e 1979 Lamborghini, AP 1991 Besse). L’action est admissible.
Admission
Déterminer l’étendue des obligations du vendeur. Application de la CVIM (cf. art 36 : le vendeur est responsable de tout défaut de conformité, la conformité signifiant notamment que la chose est propre à l’usage auquel servirait une chose du même type : art 35 2)a) ; la responsabilité du vendeur peut être engagée, puisque l’acheteur a dénoncé dans un délai raisonnable le défaut au vendeur : art 39)
Questions 3 et 4 :Dommage causé par le produit
Compétence
Même raisonnement que précédemment.
Sauf que s’agissant de l’art 5-3, on considérera logiquement que le lieu du dommage est le lieu où l’incendie a eu lieu (lieu où se trouve le hangar de M. Brandt, donc à Sarrebruck) ; quant au lieu du fait générateur, on pourrait le localiser en France. Donc selon Mines de Potasse 76, option (dissociation dès l’origine Marinari 95).
Loi applicable
CLH 73 :entrée en vigueur le 1er octobre 1977 pour la France, la convention s’applique dès lors que le juge d’un Etat signataire est saisi (art 11)
Domaine matériel : la convention s’applique au dommage causé par le produit (art 2 b), ce qui est le cas en l’espèce. Elle ne s’applique pas lorsque la propriété du produit a été transférée à la personne lésée par celle dont la responsabilité est invoquée (art 1 al2) : en l’espèce la propriété du tracteur n’a pas été transmise à M. Brandt par la sté Autotract contre laquelle il agit. La CLH est donc applicable.
La loi désignée doit d’abord être déterminée par application de l’art 5 qui désigne la loi allemande (loi de la résidence habituelle de M. Brandt qui est aussi la loi du pays où le produit a été acquis par lui : art 5b)
Par ailleurs, comme l’indique l’art 2b), M. Brandt pourra demander non seulement l’indemnisation du dommage causé par l’incendie mais également la réparation de la valeur du tracteur (la CLH 73 s’applique pour la réparation du dommage causé au produit dans le cas où celui-ci s’ajoute à un dommage causé par le produit, et seulement dans ce cas).
Questions 5 et 6
Compétence
Applicabilité du Règlement pour les pays de l’UE
Art 2
5-3 : Matière délictuelle, etc.
Problème : s’agit-il d’un délit complexe ?
Localisation des délits sur Internet : deux théories qui s’affrontent
Accessibilité : le dommage peut se réaliser dans tous les pays où le site est accessible (Civ 1e 2003 « Cristal »), donc potentiellement dans toute l’Europe
Focalisation (O. Cachard): il faut que l’opérateur ait dirigé son activité vers un pays pour qu’on admette la localisation du dommage dans celui-ci (CA Orléans 6 mai 2003 ; Com 11 janvier 2005 Boss). Faisceau d’indices : langue du site, lieu de livraison pour des marchandises (en l’espèce, aucun intérêt). En l’espèce, le fait que le journal soit rédigé en français et en allemand et qu’il connaisse une certaine diffusion en Allemagne et en France devrait permettre de considérer qu’il dirige son activité vers ces pays, et donc de les considérer comme des lieux de réalisation du dommage.
Donc il s’agit d’un délit complexe (CJCE Mines de Potasse 76) : option entre le lieu du fait générateur et du dommage. Selon une doctrine autorisée (Mme Gaudemet-Tallon), on devrait pouvoir assimiler les délits de presse (diffamation) réalisés sur Internet aux délits de presse classiques (journaux papier). Dans ce cas, on pourrait transposer CJCE Fiona Shevill 95 : le fait générateur est l’édition, qui en l’espèce se localiserait au lieu où se trouve le siège du journal donc à Sarrebruck, qui aurait une compétence globale tandis que la diffusion est le dommage. Les tribunaux des lieux de dommage (France, Allemagne) n’ont qu’une compétence locale.
Pour la Suisse, elle n’est pas membre de l’UE, donc le demandeur ne pourra pas utiliser 5-3 pour le dommage subi en Suisse. En revanche, dès lors que le défendeur est domicilié dans l’UE, il pourra l’assigner pour l’ensemble du dommage devant les tribunaux de son domicile (art 2), peu importe que le dommage se réalise en Suisse (cf. CJCE 2005 Owusu)
Mon exemple est mal choisi. Je souhaitais que vous appliquiez le droit commun français et l’art 14 combiné à l’art 4.2 du Règlement, mais la Suisse est membre de la Convention de Lugano, signée avec l’UE et qui contient des dispositions assez proches de celles de la Convention de Bruxelles. Donc il est probable que le demandeur pourra agir au lieu du dommage en Suisse pour faire réparer son dommage.
Loi applicable
Lex loci delicti (Civ 1e Lautour 48)
Même problème pour déterminer ce lieu de réalisation (focalisation ou accessibilité, cf. supra). Analogie avec les délits de presse classiques ? A priori, cela semble logique.
Pour les délits de presse, ils sont considérés comme des délits simples (le fait générateur et le dommage étant constitués par la diffusion : Civ 1e Gordon 97) donc nous sommes en présence d’une multiplicité de délits simples et il faut appliquer distributivement les lois française, allemande, suisse (au moins ; plus si on retient la théorie de l’accessibilité) (analogie avec Civ 1e Sisro 2002).
Mais en ce qui concerne les délits commis dans l’UE, on peut se demander si la directive commerce électronique est applicable.
Il s’agit bien d’un service de la société de l’information (cf. considérant 18 : « les services de la sté de l’information ne se limitent pas exclusivement aux services donnant lieu à la conclusion de contrats en ligne, mais, dans la mesure où ils représentent une activité économique, ils s’étendent à des services qui ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent, tels que les services qui fournissent des informations en ligne ou des communications commerciales… »).
Le prestataire (en l’occurrence l’éditeur du journal en ligne cf. art 2c) est établi en Allemagne donc sur le territoire de l’UE, donc la directive s’applique.
Est en cause une question de responsabilité qui semble être incluse dans le domaine coordonné (art 2h : « la responsabilité du prestataire »). Il faut donc appliquer la clause « marché intérieur » (le principe d’origine) : art 3
Quelle est sa signification ?
Pour certains, il s’agit d’une règle de conflit (cf. loi française de transposition 2004 : art 17). Dans ce cas, il faudrait appliquer la loi allemande.
Pour d’autres (M. Fallon), il s’agit d’une exception de reconnaissance mutuelle. On applique les lois des lieux des faits dommageables (allemande et française) mais la loi française sera écartée si elle est plus stricte que la loi du pays d’origine (Allemagne)
Enfin, pour certains (M. Hellner), il faut considérer la loi du pays d’origine comme une loi de police.
Un juge français étant saisi, il appliquera l’art 17 de la loi française de transposition qui considère le principe d’origine comme une règle de conflit. Il appliquera donc la loi allemande.
Pour le dommage causé par la diffusion du journal en Suisse, on appliquera la lex loci delicti donc la loi suisse.